On voit apparaître les premières caricatures de presse dans
Au départ d’Adolphe Cissé Mayambi, c'est le zaïrois Teddy Lokoka qui prend sa suite à Brazzaville pour fait vivre Zoba Moke dans
Une fois passée la main à Teddy Lokoka, Adolphe Cissé Mayambi continue son parcours de dessinateur de presse dans
Après la guerre, en 1998, on retrouve Zoba Moke grâce à la plume de Bring de Bang, auteur d’illustrations romanesques et témoin de la jeune génération de dessinateurs de presse. Outre ses illustrations dans
Maquettiste de formation, Fortuné Kombo (alias Djobiss) fut l’un des premiers à pénétrer le milieu de la presse écrite à travers ses caricatures livrées au quotidien Le Temps avant la guerre civile, qui tournent en dérision les enjeux de pouvoir du microcosme politique congolais. Le journal ne survécut pas au conflit ; Djobiss publie alors une rétrospective de ses caricatures (À travers le temps en 1996) et choisit de diversifier son style en s'affirmant notamment dans l'univers de la bande dessinée. Il fait ensuite alliance avec Teddy Lokoka, afin de former de jeunes dessinateurs : le collectif ACPBD (Association congolaise pour la promotion de la bande dessinée) voit le jour en 2002. L’objectif est de stimuler la créativité d’une nouvelle génération de dessinateurs de Brazzaville en publiant leurs planches. Des auteurs de caricature s’affirment dans cet espace de travail, comme le Ponténégrin Richard Mahoungou (Mahoust T), Jussie Lamathd et Miss Laden. Les stages organisés donnent lieu à une publication : Mbongui BD, diffusée dans les librairies de Brazzaville et de Pointe-Noire ; et un fanzine : Super Mokoua, inspiré du journal Bleu Blanc créé par Kizito en République démocratique du Congo. Une fois de plus, la rémunération des artistes n’est pas d’actualité, mais le collectif poursuit ses efforts pour se structurer dans l’espace médiatique congolais et présenter des projets à la presse écrite nationale. La concurrence est loin d’être féroce, mais les illustrations diminuent néanmoins, jusqu’à disparaître aujourd’hui dans
Dans un tout autre registre, le parcours de Willy Zekid est tout aussi intéressant à observer : entré dans l'univers du dessin sans formation préalable, Willy Mouele devient Willy the Caïd, puis Willy Zekid, artiste autodidacte et passionné. Étudiant, il réalise ses premières planches sur les panneaux de l’université Marien Ngouabi de Brazzaville. Rapidement, il attire l'attention de ses camarades et choisit de dessiner sous pseudonyme, ce qui lui permet de protéger son identité civile et d'échapper à certaines pressions de l’université. Ses dessins de l’époque représentaient une lourde critique sociale, parce qu’ils mettaient en question la situation dramatique des étudiants boursiers, qui ne pouvaient poursuivre leurs études faute de moyens alloués par l’État. Nous sommes alors au tout début des années 1990. Avant que la guerre n’éclate, Zekid travaillait à plusieurs projets relatifs à la bande dessinée : dès 1992, dessinateur attitré de Ngouvou (Journal pédagogique pour la jeunesse créé en 1988 et géré par Ferdinand Kibinza) auprès de Muze et de Ken, il était aussi employé par Agricongo pour illustrer des documents de sensibilisation à la protection de l'environnement, et par la société d'exploitation des hydrocarbures Elf pour illustrer son journal mensuel Mbot'Elf. L’expérience traumatisante de la guerre et de l’exil politique en Côte-d’Ivoire a par la suite détourné Zekid de l’usage de la caricature politique. Il avait créé son premier personnage Nkrakounia pour le Journal des jeunes pour les jeunes, né en 1996 et mis en vente en association avec Planète jeunes au Congo. À l’heure de son départ en Côte-d’ivoire, il emmène ce personnage dans ses bagages et le rebaptise Papou pour l’hebdomadaire Gbich ! Cependant, il refuse systématiquement de dessiner pour des journaux locaux politisés, afin de s’intégrer dans la société ivoirienne. Habitué à faire vivre ses personnages dans un humour bien congolais, Zekid dût alors prendre ses crayons et passer du temps, beaucoup de temps, dans les quartiers populaires d'Abidjan, où traînaient les bandes de jeunes plus ou moins fréquentables... C'est là qu’il apprend à parler le nouchi, langage argotique de la rue imprégné d’habitudes sociales et d’expressions colorées, retranscrites par la suite dans ses scénarios : « C’est ainsi que Papou, né dans les quartiers populaires de Brazzaville, s’est mis à parler le nouchi ivoirien, comme un pro ! », raconte-t-il.
Venu d’un pays en guerre, Zekid entame avec l'équipe de Gbich ! une campagne de sensibilisation nationale sur la culture de paix, présentée sous la forme de dix panneaux illustrés et reprise par la presse locale. Mais cette initiative ne suffira pas à éviter les troubles militaires et civils, que connût
Le paysage nuancé du dessin au Congo-Brazzaville se compose en outre d’auteurs de fanzines satiriques. Ces dessinateurs mettent leurs efforts en commun pour publier de manière indépendante et commenter l’actualité nationale ou internationale à travers des caricatures d'hommes politiques. C'est le cas notamment du collectif Graphik'Noir, né en 2002 à Brazzaville et formé de graphistes et de bédéistes. Conscients de leur responsabilité vis-à-vis du public, le collectif tente d’introduire dans le débat des thèmes qui ne peuvent être abordés que sur le ton de l’humour : le mythe de la démocratie, la corruption, les différences culturelles à l’intérieur même du pays, à travers ses diverses ethnies, la vie sociale et ses injustices... Comme l’explique Franck N'Zila, né en 1977 et fondateur du collectif, « les lecteurs ne sont pas très au courant ici de toutes ces questions brûlantes qui concernent notre société ».
Dans un premier temps, l’autonomie financière est visée grâce à la production d’un fanzine publié avec les moyens du bord. C’est ainsi que naît en 2004 le journal Yi wiri ! ou « C’est fini ! », une expression forte qui évoque une sinistre page de l’histoire du Congo : le génocide des Laris de la région du Pool, pendant la guerre civile. Cette première expérience de publication papier vivra le temps de trois numéros, entre 2004 et 2006. Les dessins imprimés en noir et blanc représentent l’actualité politique nationale et internationale, agrémentés d’articles rédigés par Franck N’Zila et corrigés par Vani Massa, alors rédacteur en chef de l’hebdomadaire La rue meurt. Un résultat de huit pages photocopiées en N&B, format A3 plié vendu 300 Fcfa, un tirage progressif en fonction des ventes, qui atteignirent 375 exemplaires pour le n° 3. Les canaux choisis pour la diffusion (papeteries de quartier et marchés de la capitale) ciblent les fonctionnaires et suscitent « étonnement et fâcherie », selon Franck N’Zila. Après avoir rencontré un succès populaire dans les quartiers laris de Bacongo ou de Talangai à Brazza, Yi wiri ! cesse pour un temps d’être publié sur papier, faute de moyens (10 % du chiffre revient aux points de vente) et d’appui financier, mais aussi crainte d’attirer l’attention des élus sur ce ton délibérément sarcastique.
Un autre projet se dessine néanmoins : Tsimba & Koumou, une série satirique sur l’immigration, réalisée par Angéloo pour le scénario, et Bring de Bang pour le dessin. Dans les bidonvilles de Brazzaville, Tsimba le génie et Koumou son fidèle complice travaillent jour et nuit pour réaliser leur rêve : « Demain Paris » (titre du premier épisode). Un troisième personnage est l’élément perturbateur : Sarko, l’antagoniste de la série est aussi l'hystérique garde-frontière qui voit des immigrés partout et a pour seul objectif d’empêcher Tsimba et Koumou de pénétrer les frontières françaises... Nous sommes alors en 2004 ; le projet n'a pas encore pu voir le jour sous forme de publication. Mais aujourd’hui, un nouveau site Internet est en cours de création, qui remet Yi wiri ! sur le devant de la scène et accompagnera la publication du prochain numéro papier. Grâce aux plumes de Bring de Brang pour le dessin et de Franck N’Zila pour les textes, tous les événements de la vie politique congolaise sont passés au peigne fin : discours présidentiels, remaniements ministériels et autres déboires de la police. Cette fournée en préparation promet d’ouvrir une brèche nouvelle dans l’art de la caricature, que la presse congolaise n’avait guère l’occasion de publier jusqu’ici. « Tout simplement parce que le rire peut sauver des vies », annonce le site…
À travers la farce et le grotesque, grâce à leur sens de la critique, les artistes congolais de la presse tentent de poser leur pierre dans un univers médiatique plutôt impénétrable. Les hommes politiques continuent de les considérer comme des éléments perturbateurs de l’ordre public, tandis qu’ils ont pour leur part déjà trouvé une voie privilégiée pour amorcer un débat démocratique, dans un pays au tissu social encore déchiré par huit ans de guerre civile. Issus pour la plupart de quartiers en difficulté, ils sont avant tout témoins des problèmes sociaux et culturels d’une société en devenir, capables de parler de ses espoirs et d'insuffler du sang et des idées neuves au genre du dessin de presse. « Au-delà de l'aspect artistique, confie Willy Zekid, je pense que les congolais ont besoin de générer leurs propres médias, d'exprimer leur culture et de donner avant tout la parole aux jeunes, aux forces vives ; car c'est le climat d’ignorance et de désinformation qui induit les conflits civils. »
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