vendredi 22 mai 2009

La BD : un phénomène congolais



Vivre à l’ombre du grand frère : la BD au Congo-Brazza

En matière de BD, il est difficile de se faire remarquer quand on est le voisin de la RDC, l’un des plus grands pays d’Afrique en matière de production de talents graphiques. C’est le cas de la République du Congo, que l’on appelle communément Congo-Brazza. Pourtant, le genre est bien réel au Congo, mais encore à l’état embryonnaire en terme de véritables publications. La création de nouvelles planches fourmille aux quatre coins des deux principales villes, Brazzaville et Pointe-Noire, mais les imprimeries fonctionnent à des prix exorbitants. Ainsi, les planches restent dans les tiroirs et ce n’est que lorsque l’on manifeste un intérêt pour ces travaux en gestation en allant fouiller dans les recoins, que l’on peut mesurer la qualité des travaux des bédéistes actuels. D’autres contraintes freinent l’éclosion du genre et sa représentation au monde : la difficulté de diffusion des œuvres à l’échelle nationale et internationale, l’ignorance des éditeurs en matière de publication de BD. Pour ne pas rester dans l’amateurisme, certains bédéistes de talent publient leurs planches en Europe, quand ils ne décident pas d’aller y vivre, comme c’est le cas de Willy Zekid, dessinateur pour Planète jeunes ou de Bob Kanza, tous les deux passés entre temps par la Côte-d’Ivoire et le journal satirique Gbich ! Les auteurs manquent globalement de reconnaissance et de soutien, tant financier que moral, des instances culturelles de leur pays. Les limites du genre se situent également dans un manque de maîtrise dans l’écriture du scénario, situation assez classique en Afrique francophone.

Les débuts de la BD au Congo-Brazza remontent à Kizito, bulletin pédagogique et d’information de l’église catholique des Martyrs de l’Ouganda, qui racontait la Bible en images. Les premiers numéros voient le jour à l’époque coloniale, en 1956-57. Des illustrateurs variés y ont participé dont le peintre ponténégrin Michel Hengo. La publication cessera au début des années 1970. Il y eut un grand vide jusqu’au milieu des années 1980 où apparut le véritable père de la BD congolaise : Jérémie Bindika. Décorateur puis scénariste à la Télévision nationale, celui-ci crée dans son quartier de Poto-Poto à Brazzaville le premier personnage de BD congolais, Muguma alias « Petit piment », qui n’a de cesse de braver les dangers des plus forts que lui. Publiées de manière autonome et à ses frais avec l’éditeur Miénandi, Les Aventures de Petit piment deviennent pour l’auteur prétexte à restituer les légendes et contes traditionnels issus de la littérature orale d’Afrique centrale et connaît en deux numéros seulement un immense succès avec un prix de vente de 600 Fcfa. On en parle encore aujourd’hui puisque c’est en fait la première expérience de publication d’un album de BD sur le sol congolais.

Puis ce fut le début du journal pour la jeunesse Ngouvou, créé et dirigé par Ferdinand Kibinza à la fin des années 1980, avec l’aide de différents soutiens financiers dont la coopération française. L’objectif était de contribuer à redresser le système éducatif et à hausser les habitudes de lecture, au collège en priorité. Doté de 36 pages et tiré jusqu’à 7 500 exemplaires, Ngouvou servait de support pédagogique pour les professeurs. C’est notamment à travers Ngouvou que les enseignants ont utilisé pour la première fois la BD en classe. Aujourd’hui, les 51 numéros existants jouent encore ce rôle mais l’association « Les amis de Ngouvou » ne publie plus depuis 2004. Faute de financement. Ngouvou ne fut jamais réellement une revue de bande dessinée. Celle-ci n’y était qu’une rubrique parmi d’autres et pouvait, le cas échéant, servir de support pour faire passer des messages. Bindika y a été l’initiateur du genre dans les premiers numéros de Ngouvou où il publie la série Le Redoutable en épisodes jusqu’au numéro 14 (1991), avant de décéder en 1995. Pendant des années, il sera le seul Congolais à dessiner en continu dans Ngouvou. En l’absence de ressources sur place, l’équipe rédactionnelle fera appel quasi-exclusivement à des dessinateurs de RDC (à l’époque Zaïre) jusqu’en 1992-1993. Ce sera tout d’abord Cap sur la capitale de Tchibemba qui sera la première série publiée, en épisodes grâce à la coopération française. En tant qu’éditeur de l’album, le service de coopération (l’ambassade de France ?) avait cédé les droits de reproduction pour l’ensemble de la série (15 épisodes). Puis, le journal fera appel au lushois Muze-Tshilombo , créateur de la série Patou et Hippolyte et à un certain Ken, probablement du Zaïre lui aussi, qui disparaîtra des colonnes en 1993, sans que l’on ne sache ce qu’il est devenu. Enfin, Kizito viendra également compléter l’équipe à partir de 1991 avec la série Nyota du firmament. Ngouvou publiera également des séries d’auteurs européens dont les droits de reproduction ont été proposés gracieusement par l’éditeur de Kouakou : Segedo.

De 1988 à 1996, Ferdinand Kibinza organise des sessions de formation dans les classes à l’attention des enseignants de collège, afin de vulgariser la BD comme genre littéraire à part entière et susciter son exploitation de comme support d’apprentissage de la lecture. En collaboration avec l’INRAP, dans sa cellule de formation permanente des enseignants, une journée par semaine de formation continue est dispensée. De manière continue, l’INRAP fut la tutelle pédagogique de Ngouvou tout au long de son existence.

En 1993, Bernard Dufossé, scénariste et dessinateur de Kouakou, vient donner une formation pendant une dizaine de jours aux bédéistes de Ngouvou et d’autres magazines de Brazzaville. Il axe en particulier son travail sur le dessin et la traduction d’un scénario en images, en prenant pour support de travail L’Or de Karibi, un conte traditionnel retranscrit et interprété collectivement par les participants pour reconstituer l’histoire complète. Ce travail sera publié dans Ngouvou. C’est dans le vivier de dessinateurs né de ce stage qu’une nouvelle génération de bédéistes nationaux commença à faire ces armes au sein de Ngouvou.

Fortuné Kombo (dit Djobiss) fut l’un des premiers (avec Willy Zekid) à publier ses planches dans Ngouvou. Maquettiste au CCF de Brazzaville, caricaturiste à ses débuts au Journal Le Temps, qui cessa de paraître avec la guerre en 1997, il développe à travers le dessin son sens de la critique et de la dérision. Il a cultivé depuis ses débuts différents styles dans ses traits, qu’il est capable de faire varier en fonction du contexte de création : satire, dessin de presse, sagas historiques, BD pour la jeunesse… Il recevra notamment une formation de Barly Baruti en 2001, à l’occasion de Lire en fête. Djobiss a également publié un recueil de 13 planches accompagnées de jeux (Ouarry Boud n°1 en 2001) et une rétrospective de ses caricatures en 1996 (À travers le temps).

Teddy Lokoka est un dessinateur venu de RDC à Brazzaville. Il fait ses premiers pas dans le quotidien La Semaine africaine où il reprend le personnage caricatural de Zoba Moke (ce qui veut dire « petit idiot ») créé par Adolphe Cissé Mayambi en 1993. Zoba Moke est un congolais moyen qui passe son temps dans la rue, aborde des questions sociales avec morale et parle malgré sa naïveté, de choses sérieuses. On le retrouve une fois par semaine à la 16e page du journal : une à deux bandes horizontales qui requièrent une demi-page mais ne garantissent pas de rémunérations pour l’auteur. Bring de Bang reprendra la série par la suite. Invité au 2e (1998) et au 3e (2000) salon de la BD de Kinshasa, Teddy reçoit un financement du ministère congolais de la Culture et des Arts pour publier un premier album, AL, qui raconte le parcours de son héros, Albert Mafuta, « défenseur des droits de l’homme et ennemi du mal ».

Cyriaque Goma a fait ses premières armes dans la technique du portrait. Il intervient simultanément à Djobiss, Zekid et Teddy dans Ngouvou en 1995, avec L’École et Nous dans le n° 32 et Savorgnan de Brazza, une série historique, dans le n° 34. Par la suite, il se spécialise dans le genre historique, et crée trois numéros de Raconte-moi le Congo, une fresque historique de 8 pages en noir et blanc, vendue dans les quelques librairies de Pointe-Noire et de Brazzaville. En novembre 2007, à l’occasion de Lire en fête, il présente ses planches dans le hall du CCF de Brazzaville, et propose dans le cadre de cette exposition collective, quelques repères historiques sur la capitale.

Willy Zekid
fait ses premiers pas juste après Jérémie Bindika dans les pages de Ngouvou, au tout début des années 1990. Par la suite, il devient illustrateur du Journal des jeunes pour les jeunes, créé en 1996 et mis en vente en association avec Planète jeunes au Congo. Zekid poursuit sa carrière de bédéiste à Abidjan avec le journal Gbich ! C’est là qu’il crée le personnage de Cauphy Gombo, qui devient par la suite un film en Côte-d’Ivoire. Arrivé en France, il est découvert par Planète jeunes, et créée Takef. Il fait aujourd’hui référence au Congo et l’on présente parfois ses planches comme support d’apprentissage dans les quelques ateliers BD de Brazzaville.

Bring de Bang (Pansime Brigès Biakou) est un artiste polyvalent qui s’investit aussi dans la musique. Il est reconnu à Brazzaville pour être un artiste à part entière et l’un des plus talentueux de la jeune génération. Il reçoit une formation à l’illustration du livre scolaire à Tunis en 2001, puis se met à illustrer des romans comme celui de Zoungo Bongolo publié en 2006 chez l’éditeur franco-congolais Paari, Un Africain dans un iceberg ou La Guerre civile du Congo-Brazzaville (Karthala). Alors que le style de Bring en matière de BD est très typé et identifiable, sa pédagogie dans le cadre de ses formations tend davantage vers le mimétisme et la reproduction plutôt que vers la création. Il fait ses armes dans La Semaine africaine en 1998 (après Teddy Lokoka) puis dans le mensuel (devenu quotidien en 2007) Les Dépêches de Brazzaville et dans l’hebdomadaire Présence économique, mais davantage en tant qu’illustrateur que véritable bédéiste . En 2007, il est sollicité, avec Willy Samba, par Dieudonné Niangouna et Abdon Fortuné Koumba, initiateurs et responsables du festival de théâtre Mantsina sur scène à Brazzaville, pour réaliser une série de planches format A1. Un devis de création est commandé et les planches deviennent la propriété de l’association. La BD s’appelle Mantsina sur scène, L’Histoire et raconte la gestation de ce projet de festival, qui a lieu chaque année en décembre, ainsi que l’accueil que lui réserve le public. Une exposition a eu lieu au Cercle Sony Labou Tansi de Brazzaville en décembre 2007. Miss Laden et Milet Walker font également partie de la toute nouvelle génération de bédéistes (à peine 20 ans) qui font leurs armes dans les derniers numéros de Ngouvou .

Face au constat du manque de cohésion dans l’univers de la BD et du dessin de presse, le collectif ACPBD se forme à l’initiative de deux bédéistes ayant participé à l’aventure Ngouvou : Djobiss et Teddy Lokoka. Ceux-ci considèrent qu’à partir de 1995, la place de la BD diminue dans Ngouvou et qu’une baisse de qualité des planches se fait ressentir. L’invitation par Barly Baruti à participer au 3e salon de la BD de Kinshasa est l’occasion de nombreux échanges avec les bédéistes locaux, qui ignoraient tout de la BD au Congo-Brazzaville. Une visite qui achève de motiver Djobiss à la création d’un espace de travail pour fonder l’ACPBD, à l’exemple de l’ACRIA de Kinshasa et en étroite interaction avec Lokoka dont il est très proche grâce à leur expérience commune avec Ngouvou. Autant que possible, du matériel est mis à la disposition des membres et des formations, stages et demandes de bourses sont formulées au nom de l’association. Plusieurs autres dessinateurs les rejoignent : Richard Mahoungou (alias Mahoust T), Miss Laden, Milet Walker…

En 2002, ils créent l’association ACPBD, association à caractère socioculturel, qui a pour but « de promouvoir la BD et les échanges culturels et artistiques avec d’autres associations, de stimuler la créativité des jeunes artistes du collectif en publiant leurs planches, d’organiser des ateliers de création, de recherche et d’initiation à la BD, de publier des revues de BD en partenariat avec des ONG et institutions locales, d’éduquer les jeunes lecteurs à l’information et de susciter l’entente, la solidarité et la curiosité vis-à-vis de leur propre culture ». En novembre 2003, ils lancent le N°00 du premier fanzine de l’association : Super Mokoua, Bimensuel de sensibilisation et d’éducation, entièrement dessiné par Djobiss. Ce magazine était très influencé par Bleu Blanc, la revue pédagogique kinoise de Kizito. Celui-ci publiera certaines planches de l’ACPBD dans ce journal. Malheureusement, la publication du n° 1, aujourd’hui à sa phase finale avant impression, est restée en suspend faute de moyens… Il se passe la même chose pour le magazine Mbongui BD qui connaît un premier numéro en 2005 sans que le deuxième ne puisse voir le jour. Pourtant, planches, synopsis et scénarios sont prêts mais l’éditeur qui a choisi de mener le projet, Mokand’Art, est en attente de financement. Seul le SCAC apporte sporadiquement son appui à quelques projets, de manière isolée et parfois arbitraire, c’est par exemple le cas en 2006 où à l’occasion de la journée de la francophonie, le CCF édite Image, une sorte d’anthologie de planches inédites d’auteurs congolais : Djobiss, Cap. Punisher, Jussie Lamathd, Dedebe (Didier Bessongo) et Mahoust T.

En parallèle, l’ACPBD mène des actions dans plusieurs domaines : participation de Djobiss à la 32e édition du festival d’Angoulême (2005) ; organisation d’un atelier de résidence sur le thème : Quelle BD pour la jeunesse congolaise ? pour 10 artistes (et 14 non initiés) en 2007 ; encadrement par Djobiss et Teddy de l’atelier BD pour enfants de Jacqueline Kerguéno au CCF de Brazzaville, en décembre 2004 ; organisation dans l’enceinte du CCF de Brazzaville, en juillet 2005, d’une session sur le thème « De l’idée à la BD », duquel naît un collectif de 26 membres nommé « Génération Elili ». Malgré l’absence de rémunérations et de reconnaissance, l’ACPBD tente d’initier un travail dans la durée pour ses artistes. Ce travail a permis la constitution d’un collectif, basé sur un parcours et des projets communs.

En 2006 naît Graphik’Noir à l’initiative de Franck N’Zila, infographiste de formation, qui est arrivé à rassembler autour d’un même projet un groupe de bédéistes de Brazzaville. Il a joué dans le quartier de Bacongo le « chasseur de têtes » auprès de jeunes dessinateurs motivés comme lui par le graphisme et l’univers du manga. Rapidement, il devient le moteur d’un groupe de six bédéistes aux styles et aspirations divers, dont Christ Koutiki, Yann Cardot et Yannick Kounkou. Un même objectif réunit les membres de ce collectif : la volonté de travailler ensemble à un même album et non plus, comme c’est le cas dans la plupart des initiatives en BD au Congo, de manière ponctuelle et isolée. Dans un premier temps, l’autonomie financière est visée dans la production de fanzines publiés avec les moyens du bord. C’est ainsi que naît en 2004, le journal Yi wiri ! ou « C’est fini ! », satire de la société congolaise et de ses dirigeants. Yi wiri ! est une expression symboliquement forte pour les Laris du Congo (massacrés pendant la guerre dans leur région du Pool) et le titre du premier fanzine de l’association, qui compte trois numéros publiés entre 2004 et 2006.

Graphik’Noir choisit de travailler uniquement en noir & blanc. L’intérêt de cette démarche est de simplifier le processus de fabrication, en abaissant les coûts de reproduction sur papier. L’influence très nette du manga garantit l’intérêt du public pour les planches et des ventes de 100 à 200 exemplaires par mois. Les articles étaient rédigés par Fanck N’Zila et corrigés à l’extérieur par Vani Massa, rédacteur en chef de l’hebdomadaire satirique de Brazzaville La Rue meurt. Huit pages photocopiées en N&B, format A3 plié vendu 300 Fcfa, un tirage progressif en fonction des ventes, qui atteignirent 375 exemplaires pour le n° 3. Les canaux choisis pour la distribution ciblaient les fonctionnaires, partagés le plus souvent entre « étonnement et fâcherie », selon N’Zila. Après avoir rencontré un succès populaire dans les quartiers laris de Bacongo ou de Talangai à Brazza, Yi wiri ! a cessé d’être publié par crainte d’attirer l’attention des élus sur ce ton délibérément sarcastique. L’association ne peut publier aujourd’hui dans un rythme mensuel sans financement, étant entièrement responsable de sa publication et de sa distribution dans les points de vente de la capitale (qui gardent 10 % des ventes).

Par ailleurs, les Centres culturels français de Pointe-Noire et de Brazzaville n’ont jamais cessé de soutenir le 9e art local. Plusieurs initiatives ont eu lieu en dehors de celles déjà évoquées. Du 5 au 11 septembre 1999, le CCF de Pointe-Noire a exposé « La BD aujourd’hui en France », l’occasion de réunir les bédéistes de la ville et de proposer à cinq d’entre eux un atelier BD. L’objectif était de réaliser une planche sur le thème du Sida. La planche du lauréat, Stéphane Nzoulou, servit d’affiche à la 2e Semaine culturelle contre le Sida, à la fin de la même année. Puis en 2004, le CCF de Brazzaville hébergea le dessinateur P’tit Luc de passage dans la capitale. Il put y rencontrer et travailler avec plusieurs dessinateurs, dont les futurs membres de Graphik’Noir. Plusieurs concours furent organisés également : « Croquez l’an 2000 » en 1999, « Regarde la planche de dessins ci-dessous et remplis les bulles selon ton imagination. », un concours de scénario à destination du jeune public en 2000. Enfin, en mars 2007, un concours est lancé à l’occasion de la Semaine de la langue française. « Et si Hergé revenait… Imaginez la première page de ce nouvel album », à l’attention des collégiens et lycéens, qui écrivent un synopsis d’une page et réalisent une planche de format A4, noir et blanc ou couleur. Les lauréats sont exposés dans le hall du CCF pendant tout le mois.

En septembre 2007, ayant observé un manque de cohésion et de visibilité des quelques bédéistes de Pointe-Noire, ainsi qu’une forte demande du public, la bibliothèque du CCF de cette ville lance un concours à l’occasion de Lire en fête, consacré à la BD, sur le thème « Vues de Pointe-Noire ». Les lauréats sélectionnés participeront à une formation dispensée par Asimba Bathy, bédéiste kinois de talent, grandement impliqué dans le développement de la BD en RDC (lancement de nombreuses revues, création d’un atelier et du label « Kin Label »…) et sur le continent africain. Lors de sa première venue à Pointe-Noire, Asimba Bathy a donné une conférence publique sur l’histoire de la BD en Afrique centrale et ses perspectives et dispensé également deux jours d’atelier entièrement consacrés aux techniques de dessin : perspective, encombrement de l’espace, mouvement. Aux côtés de l’exposition « Chroniques kinoises » de l’association Tala-Tala/Entre deux mondes, des planches de l’ACPBD et de Graphik’Noir, les planches des lauréats permettaient de mettre les trois grandes villes de la région sud des deux Congo en regard.

Suite à cette expérience particulièrement enrichissante, un atelier BD est créé au CCF : les bédéistes repérés à l’occasion du concours (les lauréats, auxquels se rajoutent quelques talents arrivés par la suite) se réunissent tous les samedis après-midi pour travailler ensemble, grâce au matériel fourni par le CCF, mettre leurs projets en commun et réaliser de nouvelles planches : Odiphate Loukondo , Mick Mikamona, Hugues Loundou, Koutawa Hamed (KHP), Lionnel Boussi, Milandou Ntondele, Pathis Talansi, Freeman et Chrislain Kibendo. En février 2008, Asimba Bathy revient à Pointe-Noire, ce qui donne l’occasion de réitérer l’expérience de l’atelier, et de suivre la progression des participants. Le groupe subit quelques changements, certains bédéistes le quittant pour cause de désaccords avec les autres membres, d’autres s’y rajoutant. Le noyau dur fonctionne alors sur une dynamique de travail, d’encouragements et d’autocritiques constructifs. C’est à ce moment que la jeune Jussie Lamathd, l’une des rares jeunes femmes à dessiner de la BD en Afrique, rejoint le groupe. Bédéiste de Brazzaville, membre de l’ACPBD, elle avait déménagé à Pointe-Noire cette année là. Le groupe se lance dès lors dans le projet d’une exposition pour juin 2008 : « Les Dessous de Pointe-Noire » (dans l’espace BD du CCF). En regard des premiers travaux réalisés pour Lire en Fête 2007, ces planches montreront le fruit du travail réalisé à l’occasion de l’atelier qui en a découlé. Au courant de l’année 2008, les membres de l’atelier se constituent en collectif sous le nom de Ponton BD . Souhaitant les stimuler dans leur travail et leur donner une plus grande visibilité, le projet est lancé de les faire participer à une nouvelle exposition de plus grande envergure au CCF : défi leur est lancé d’investir en septembre 2008 le hall d’exposition, du sol au plafond en passant par les vitrines. Le parti est pris d’inviter à nouveau Asimba Bathy dans l’aventure, afin de pérenniser le projet. La rencontre entre un dessinateur et ce groupe de jeunes bédéistes permet d’acquérir plus d’expérience et de soutien. Durant deux mois, une grande latitude leur est donnée sur le matériel, les supports, les styles et les formes, afin de rassembler les travaux et conceptualiser l’agencement de l’exposition, dénommée « Carte blanche à Ponton BD et Asimba Bathy ». Cette exposition garantit une grande visibilité (vitrines du CCF, émissions radio et télévisées, presse en ligne, etc.), mais permet aussi d’étendre le champ des expériences : réalisation d’une fresque sur les vitrines, production de planches en grands formats, travail avec les slameurs de Styl’Oblique Congo (réalisation de planches illustrant des slams, ou de slams s’inspirant des planches, présentées lors du vernissage). Suite à cette expérience, KHP est repéré par le rédacteur en chef du magazine « Pointe-Noire magazine », qui lui accorde un article et la parution régulière de deux planches. Les dessinateurs bénéficient également de la visibilité du site Internet Congopage qui publie quelques planches dont celles de KHP, qui comme ses collègues n’avait encore jamais été édité. Ces traits sont d’une précision et d’un réalisme exceptionnel, comme il est précisé sur le site : « On atteint avec ce garçon les sommets de l’art graphique. Il possède un trait est sûr et expressif, ses découpages sont déroutants et ses cases sont déchirées et atypiques. Il possède un sens inné de la lumière et cette BD sans dialogues ni phylactères est novatrice dans un monde où on croyait que tout avait été inventé. KHP travaille au stylo bille et, aussi surprenant que cela puisse paraître, il dessine de mémoire et pas sur photos. » Son travail le plus marquant reste la réalisation d’un carnet « le duel fratricide », premier tome d’une production relatant la guerre civile qui a déchiré le Congo entre 1992 et 1998, même s’il produit également des histoires plus sentimentales .

La bande dessinée en République du Congo cherche donc à prendre son envol. Malheureusement, les dessinateurs congolais se trouvent confrontés aux problèmes classiques que rencontrent leurs collègues des autres pays d’Afrique francophone : une très faible implication des éditeurs privés et un manque de stabilité politique dans leur pays empêche tout développement économique. De plus, malgré une forte motivation, les contraintes de la vie quotidienne pèsent sur la régularité du travail engagé : cet art ne leur permettant pas de leur apporter un moyen de subsister, leurs emplois respectifs leur prennent du temps de l’énergie. En outre , pour ce qui concerne Pointe-Noire, on observe un isolement important par rapport à la capitale, où se situe l’ACPBD, avec qui les relations semblent inexistantes. Ce fossé est à l’image du pays dans son ensemble : la ville océane et la région du Kouilou restent, sur le plan physique, politique et culturel, isolées du reste des terres.

Dans le cadre du Sommet panafricain 2009, les responsables du Festival international de BD d’Alger prennent l’initiative d’éditer un album collectif, qui présentera les travaux de divers bédéistes africains et permettra à certains auteurs en manque de visibilité d’être enfin édités. C’est le rêve de beaucoup d’entre eux. Mais sans public et sans structure éditoriale, les bédéistes congolais sont condamnés à espérer un miracle, à émigrer ou à chercher des contrats d’appoint que peuvent leur offrir certaines ONG et coopérations internationales. Tout cela reflète une situation finalement assez similaire à celle de la RDC : des talents en pagaille, beaucoup de volonté et de courage pour s’en sortir et progresser et, au final, un très net sentiment de gâchis pour le 9e art local.

Si seulement un éditeur africain ou européen pouvait donner tort aux auteurs de cet article…

Amande Reboul
Christophe Cassiau-Haurie

Remerciements à Claire Wollenschneider et Asimba Bathy.

vendredi 15 mai 2009

Le dessin de presse au Congo-Brazza



Au Congo-Brazzaville, la plupart des dessinateurs de bande dessinée en activité ont fait leurs armes dans la caricature de presse. Pourtant ce genre – à l’image de la place qu'occupe la plupart des journaux populaires dans le paysage culturel congolais – reste peu représenté et conditionné par le pouvoir de l’État sur les médias. Ainsi, les dessinateurs qui publient aujourd'hui des caricatures dans un journal officiel se comptent sur les doigts de la main. Ils se battent néanmoins pour exister.


On voit apparaître les premières caricatures de presse dans La Semaine africaine, hebdomadaire innovant et objectif à sa création dans les années 1950. Ce n’est cependant qu’en 1993 qu’Adolphe Cissé Mayambi ouvre le bal, alors qu'il travaille au sein de la rédaction de La Semaine africaine. Le journal détermine alors un cahier des charges : créer un personnage caricatural mais apolitique, dont les aventures paraîtront une fois par semaine en seizième page du journal. C'est ainsi que naît Zoba Moke (« Petit idiot »), un congolais de classe moyenne qui passe son temps dans la rue, aborde des questions sociales avec morale et parle malgré sa naïveté de choses sérieuses.

Au départ d’Adolphe Cissé Mayambi, c'est le zaïrois Teddy Lokoka qui prend sa suite à Brazzaville pour fait vivre Zoba Moke dans La Semaine africaine. L'auteur occupe alors une à deux colonnes horizontales, soit une demi-page, qui ne lui garantit cependant pas de rémunération. Il poursuivra sa carrière dans la bande dessinée.

Une fois passée la main à Teddy Lokoka, Adolphe Cissé Mayambi continue son parcours de dessinateur de presse dans La Rue meurt. Après la Conférence nationale de 1991, qui se donne pour « mission essentielle de redéfinir les valeurs fondamentales de la nation et de créer les conditions d’un consensus national en vue de l’instauration d’un État de droit » et jusqu’au début des années 2000, ce journal satirique propose à travers quelques caricatures acerbes de porter un regard sur la vie politique et sociale de Brazzaville. Avec Petit David de Turbo, auteur du dessin comme du scénario, une brèche nouvelle est ouverte dans le domaine du dessin de presse.

Après la guerre, en 1998, on retrouve Zoba Moke grâce à la plume de Bring de Bang, auteur d’illustrations romanesques et témoin de la jeune génération de dessinateurs de presse. Outre ses illustrations dans La Semaine africaine, Bring fait également ses armes en tant que dessinateur dans le mensuel Les Dépêches de Brazzaville (aujourd’hui quotidien) et dans l’hebdomadaire Présence économique. À la différence de ses pairs, il ne s’implique qu’à temps partiel dans la création de bandes dessinées, passionné qu’il est de musique, mais devient rapidement le modèle d’une génération montante de bédéistes à Brazzaville, notamment les jeunes dessinateurs du collectif Graphik’Noir : Christ Koutiki et Yann Cardot.

Maquettiste de formation, Fortuné Kombo (alias Djobiss) fut l’un des premiers à pénétrer le milieu de la presse écrite à travers ses caricatures livrées au quotidien Le Temps avant la guerre civile, qui tournent en dérision les enjeux de pouvoir du microcosme politique congolais. Le journal ne survécut pas au conflit ; Djobiss publie alors une rétrospective de ses caricatures (À travers le temps en 1996) et choisit de diversifier son style en s'affirmant notamment dans l'univers de la bande dessinée. Il fait ensuite alliance avec Teddy Lokoka, afin de former de jeunes dessinateurs : le collectif ACPBD (Association congolaise pour la promotion de la bande dessinée) voit le jour en 2002. L’objectif est de stimuler la créativité d’une nouvelle génération de dessinateurs de Brazzaville en publiant leurs planches. Des auteurs de caricature s’affirment dans cet espace de travail, comme le Ponténégrin Richard Mahoungou (Mahoust T), Jussie Lamathd et Miss Laden. Les stages organisés donnent lieu à une publication : Mbongui BD, diffusée dans les librairies de Brazzaville et de Pointe-Noire ; et un fanzine : Super Mokoua, inspiré du journal Bleu Blanc créé par Kizito en République démocratique du Congo. Une fois de plus, la rémunération des artistes n’est pas d’actualité, mais le collectif poursuit ses efforts pour se structurer dans l’espace médiatique congolais et présenter des projets à la presse écrite nationale. La concurrence est loin d’être féroce, mais les illustrations diminuent néanmoins, jusqu’à disparaître aujourd’hui dans La Semaine africaine.

Dans un tout autre registre, le parcours de Willy Zekid est tout aussi intéressant à observer : entré dans l'univers du dessin sans formation préalable, Willy Mouele devient Willy the Caïd, puis Willy Zekid, artiste autodidacte et passionné. Étudiant, il réalise ses premières planches sur les panneaux de l’université Marien Ngouabi de Brazzaville. Rapidement, il attire l'attention de ses camarades et choisit de dessiner sous pseudonyme, ce qui lui permet de protéger son identité civile et d'échapper à certaines pressions de l’université. Ses dessins de l’époque représentaient une lourde critique sociale, parce qu’ils mettaient en question la situation dramatique des étudiants boursiers, qui ne pouvaient poursuivre leurs études faute de moyens alloués par l’État. Nous sommes alors au tout début des années 1990. Avant que la guerre n’éclate, Zekid travaillait à plusieurs projets relatifs à la bande dessinée : dès 1992, dessinateur attitré de Ngouvou (Journal pédagogique pour la jeunesse créé en 1988 et géré par Ferdinand Kibinza) auprès de Muze et de Ken, il était aussi employé par Agricongo pour illustrer des documents de sensibilisation à la protection de l'environnement, et par la société d'exploitation des hydrocarbures Elf pour illustrer son journal mensuel Mbot'Elf. L’expérience traumatisante de la guerre et de l’exil politique en Côte-d’Ivoire a par la suite détourné Zekid de l’usage de la caricature politique. Il avait créé son premier personnage Nkrakounia pour le Journal des jeunes pour les jeunes, né en 1996 et mis en vente en association avec Planète jeunes au Congo. À l’heure de son départ en Côte-d’ivoire, il emmène ce personnage dans ses bagages et le rebaptise Papou pour l’hebdomadaire Gbich ! Cependant, il refuse systématiquement de dessiner pour des journaux locaux politisés, afin de s’intégrer dans la société ivoirienne. Habitué à faire vivre ses personnages dans un humour bien congolais, Zekid dût alors prendre ses crayons et passer du temps, beaucoup de temps, dans les quartiers populaires d'Abidjan, où traînaient les bandes de jeunes plus ou moins fréquentables... C'est là qu’il apprend à parler le nouchi, langage argotique de la rue imprégné d’habitudes sociales et d’expressions colorées, retranscrites par la suite dans ses scénarios : « C’est ainsi que Papou, né dans les quartiers populaires de Brazzaville, s’est mis à parler le nouchi ivoirien, comme un pro ! », raconte-t-il.

Venu d’un pays en guerre, Zekid entame avec l'équipe de Gbich ! une campagne de sensibilisation nationale sur la culture de paix, présentée sous la forme de dix panneaux illustrés et reprise par la presse locale. Mais cette initiative ne suffira pas à éviter les troubles militaires et civils, que connût la Côte-d’Ivoire au début des années 2000. Un nouveau départ, vers la France cette fois, amène peu à peu Willy Zekid vers la création d’une agence de graphisme. Selon Christophe Ngalle Edimo, président de L'Afrique dessinée, il reste le « terroriste de la BD, tueur à gags et pourvoyeurs d’armes de distraction massive ».

Le paysage nuancé du dessin au Congo-Brazzaville se compose en outre d’auteurs de fanzines satiriques. Ces dessinateurs mettent leurs efforts en commun pour publier de manière indépendante et commenter l’actualité nationale ou internationale à travers des caricatures d'hommes politiques. C'est le cas notamment du collectif Graphik'Noir, né en 2002 à Brazzaville et formé de graphistes et de bédéistes. Conscients de leur responsabilité vis-à-vis du public, le collectif tente d’introduire dans le débat des thèmes qui ne peuvent être abordés que sur le ton de l’humour : le mythe de la démocratie, la corruption, les différences culturelles à l’intérieur même du pays, à travers ses diverses ethnies, la vie sociale et ses injustices... Comme l’explique Franck N'Zila, né en 1977 et fondateur du collectif, « les lecteurs ne sont pas très au courant ici de toutes ces questions brûlantes qui concernent notre société ».

Dans un premier temps, l’autonomie financière est visée grâce à la production d’un fanzine publié avec les moyens du bord. C’est ainsi que naît en 2004 le journal Yi wiri ! ou « C’est fini ! », une expression forte qui évoque une sinistre page de l’histoire du Congo : le génocide des Laris de la région du Pool, pendant la guerre civile. Cette première expérience de publication papier vivra le temps de trois numéros, entre 2004 et 2006. Les dessins imprimés en noir et blanc représentent l’actualité politique nationale et internationale, agrémentés d’articles rédigés par Franck N’Zila et corrigés par Vani Massa, alors rédacteur en chef de l’hebdomadaire La rue meurt. Un résultat de huit pages photocopiées en N&B, format A3 plié vendu 300 Fcfa, un tirage progressif en fonction des ventes, qui atteignirent 375 exemplaires pour le n° 3. Les canaux choisis pour la diffusion (papeteries de quartier et marchés de la capitale) ciblent les fonctionnaires et suscitent « étonnement et fâcherie », selon Franck N’Zila. Après avoir rencontré un succès populaire dans les quartiers laris de Bacongo ou de Talangai à Brazza, Yi wiri ! cesse pour un temps d’être publié sur papier, faute de moyens (10 % du chiffre revient aux points de vente) et d’appui financier, mais aussi crainte d’attirer l’attention des élus sur ce ton délibérément sarcastique.

Un autre projet se dessine néanmoins : Tsimba & Koumou, une série satirique sur l’immigration, réalisée par Angéloo pour le scénario, et Bring de Bang pour le dessin. Dans les bidonvilles de Brazzaville, Tsimba le génie et Koumou son fidèle complice travaillent jour et nuit pour réaliser leur rêve : « Demain Paris » (titre du premier épisode). Un troisième personnage est l’élément perturbateur : Sarko, l’antagoniste de la série est aussi l'hystérique garde-frontière qui voit des immigrés partout et a pour seul objectif d’empêcher Tsimba et Koumou de pénétrer les frontières françaises... Nous sommes alors en 2004 ; le projet n'a pas encore pu voir le jour sous forme de publication. Mais aujourd’hui, un nouveau site Internet est en cours de création, qui remet Yi wiri ! sur le devant de la scène et accompagnera la publication du prochain numéro papier. Grâce aux plumes de Bring de Brang pour le dessin et de Franck N’Zila pour les textes, tous les événements de la vie politique congolaise sont passés au peigne fin : discours présidentiels, remaniements ministériels et autres déboires de la police. Cette fournée en préparation promet d’ouvrir une brèche nouvelle dans l’art de la caricature, que la presse congolaise n’avait guère l’occasion de publier jusqu’ici. « Tout simplement parce que le rire peut sauver des vies », annonce le site…

À travers la farce et le grotesque, grâce à leur sens de la critique, les artistes congolais de la presse tentent de poser leur pierre dans un univers médiatique plutôt impénétrable. Les hommes politiques continuent de les considérer comme des éléments perturbateurs de l’ordre public, tandis qu’ils ont pour leur part déjà trouvé une voie privilégiée pour amorcer un débat démocratique, dans un pays au tissu social encore déchiré par huit ans de guerre civile. Issus pour la plupart de quartiers en difficulté, ils sont avant tout témoins des problèmes sociaux et culturels d’une société en devenir, capables de parler de ses espoirs et d'insuffler du sang et des idées neuves au genre du dessin de presse. « Au-delà de l'aspect artistique, confie Willy Zekid, je pense que les congolais ont besoin de générer leurs propres médias, d'exprimer leur culture et de donner avant tout la parole aux jeunes, aux forces vives ; car c'est le climat d’ignorance et de désinformation qui induit les conflits civils. »

vendredi 24 avril 2009

Trains à grande vitesse


À l'occasion des Belles étrangères, novembre 2008 fut un mois de retrouvailles dans le Sud de la France avec un grand ami du Guatemala, Alan Mills. Ce road-movie littéraire en compagnie du grand maître de la fiction romanesque, Rodrigo Rey Rosa, a donné suite à l'écriture du petit recueil suivant, Trenes de alta velocidad, autrement dit TGV. Premier livre publié par les toutes jeunes (et non moins sauvages) éditions mexicaines Santa Muerte Cartonera, je me suis faite un plaisir de le traduire, connaissant la sensibilité de l'auteur...


TRAINS À GRANDE VITESSE
Alan Mills


Accro à une espèce de cocaïne littéraire, les livres circulent dans mon corps comme des morceaux de papiers éparpillés de El Ojo del Contemplador. Je n’irai pas jusqu’à dire qu'ils s’anéantissent, mais si : ils recomposent cette matière dans le style de n'importe quel modèle et font leurs armes dans son passé et son futur. Je pense que si ma tête était un continent, à l'intérieur on pourrait lire des milliers de papiers, divisés en infinies séquences de langues mêlées, tout comme si c’était une Babel avec des pays silencieux. À l'intérieur de ma tête, ces textes pourraient être doués de parole, proches dans l’image d'une portée d’hominiens transparents, qui engendrent une chose comparable à ce nouveau type de Grossesse Lexicale. En essayant de donner un corps à tout cette rêverie, ma langue rendra un souffle de vie à ces nébuleuses de mots et de symboles, les mouillant avec l'air de ma bouche et provoquant une nouvelle lecture dans les oreilles de ceux qui sont à l’extérieur de ma tête. Eux savent lire des signes en Braille sur son corps et ils me demanderont de les écrire tous. Moi je commencerai à croire que cet ensemble d'événements représente l'origine ou la genèse d'un vers.

[JE SENS UN AVORTON QUI REGARDE AUTREMENT]

Il est plus convenable
pour éclairer
tous les écrans morts,
les boîtes noires de l'amour,
d'apprendre le plaisir
du métier domestique,
et d’éviter de remplir l'Espace de poils,
une reconnaissance pour mille galaxies
baignées dans des miettes de pain
répandues dans l’appartement,
chaque assiette lavée
rappellera une propreté totale
ou la belle sorcellerie des heures
diurnes

[LES BOÎTES NOIRES DE L'AMOUR ENGENDRENT LA PROLIFÉRATION UNE MAISON PEUT ÊTRE ENVAHIE PAR DES MILLIONS DE CHEVEUX NOIRS TRACES DE SEL ET DE LA PEAU QUI SE DÉTACHE DE MOI]

Les boîtes noires de l'amour
sont attaquées
par une autre petite boîte, pleine de couleurs

[J'ai rêvé, endormi, que XX, CC, TT et LL me rendaient visite ; ils ne parlaient pas français mais ils se déplaçaient dans Paris avec une certaine familiarité. Ce rêve a beaucoup amusé RRR et il l'attribue au fait que ce soient eux, sûrement, qui rêvent d'être ici.]


Je me désensorcèle,
les arbres et les couleurs m’y aident,
il y a des anges partout,
maintenant je peux les reconnaître,
c’est très simple :
nous devons bien nous fier
aux marques de leur peau,
invisibles mais resplendissantes,
elles me rappellent un enfant survécu
d’une attaque de fourmis géantes,
puis s’est passé autre chose qui l'a fait rêver
de l'Afrique pleine de lacs de miel,
je crois qu'il la comparait à sa solitude
et à la nostalgie de sa vieillesse,
c’est comme si tout cela n’était que
le langage muet des anges.

[JE FAIS DES RÊVES TRÈS INTENSES MAIS JE LES OUBLIE]

La poésie est une action qui perfore la vie et lui ôte une grosse couche de fiction, dans ses pulsions elle choisit les symboles les plus oubliés : une fois sauvées de l'obscurité émergent de nouvelles parcelles illuminées, qui nous rappellent une armée d'insectes inouïs, dépourvus d’existence dans la sculpture invisible de ces mots, et dissolus dans le blanc d'une page qui n'a jamais respiré.

[LA POÉSIE EST UN TRAIN À GRANDE VITESSE]

La mer a disparu
en face de nos yeux,
ainsi nous ne regardons
qu’un concert excessif
de feuilles sèches et de couleurs,
l'eau s'est mouillée à elle-même
et maintenant elle nous semble la chose
la plus sèche qui se soit introduite
dans notre gorge,
ce sont les heures où je commence
l'apprentissage des humeurs épouvantables,
des scènes débiles de la chair devenue triste,
ma plume se meut toute seule,
comme une langue morte qui s'insurge
et se brise contre la fenêtre,
le train le plus lent qu’on ait jamais vu
semble sortir de mes yeux,
avec la violence de l'eau qui déjà ne mouille plus,
je suis une espèce de dune de sable volcanique
assiégée par la soif,
c’est ce que l’on commence par dire
pour oublier un passé qui s’est éclairci
depuis ce corps égaré,
le soleil est terrible, ne cesse pas
et me donne envie de lui changer de nom
pour qu'il ne sorte que dans les moments d'obscurité,
quand les mémoires de la tragédie dansent
sur ma peau à la manière d'un désir,
je sais que je vais oublier les pires de mes visions :
je fleurirai comme une mer
où les poissons respirent des étincelles.

[ICI COMMENCE UNE AUTRE MER]

ET LES FANTASMES QUE JE N'AI JAMAIS ATTEINTS : L’INCONVÉNIENT DE CET AMOUR : PERDU DANS CE QUI FAIT MAL JE TENDS VERS L'IMMOBILITÉ

Rien de tel qu’un nom,
pour illuminer les chemins
encore jamais imaginés,
quelques lettres et leur somme,
disséminant une forêt d'archétypes
pour notre avenir,
c’est la lumière d'une défaite
dans l'ombre, le scintillement
de quelque chose de mort dans l'air,
on sent ce vent pareil à un avorton
qui nous est resté à l'intérieur et nous lasse
avec de légères morsures édentées,
à peine une langue humide,
rien de plus qu'une lumière impossible à regarder,
il y a longtemps que nous sommes aveugles
et c'est cet avorton qui regarde pour nous.

[MAINTENANT UNE VISION OBSCURE QUE L'AVORTON COMMENCE À OUBLIER]

Tu avais plusieurs bouches
et plusieurs entrées toi,
il te semblait normal
que chaque orifice humide
soit garni de quelques sabres
de douleur et de haine véridique,
pareils aux flambeaux olympiques
d’un soleil dans le vide,
à les voir avec tant de négritude heureuse
tu as pensé qu'ils étaient bons
et que tous ces délicieux esclaves
jouiraient d’une vie de merveilles fluorescentes,
à sortir ou entrer en toi,
tu n'as jamais imaginé qu’une telle scène
représenterait un laboratoire à l’échelle moléculaire,
que ton corps habité serait un Jardin des Délices
où aucune de tes bouches ne serait capable de parler,
tu leur as rappelé une muqueuse envahie
par des siècles de luttes des classes et de guillotines dans la peau,
des fantômes blancs à l’intérieur des corps noirs
aussi brillants et sombres,
tout le lait qui a baigné ton visage
servira à peindre 250 fresques et 456
Chapelles Sixtines,
elles auront l'apparence de stalactites
qui pleurent à l'intérieur d'une grotte africaine,
et cette oeuvre s’appellera
Un métissage qui a échoué.

[MAIS TOUT GUÉRIT LA BELLE SORCELLERIE DES HEURES DIURNES GUÉRIT]

Je me désensorcèle,
les arbres et les couleurs m’y aident,
c’est comme si tout cela n’était que
le langage muet des anges.

[ANA = BOÎTE DE COULEURS]

Note finale :

Ce livre a été écrit dans les feuilles du livre AGENDA DE LA FIN DES TEMPS DRASTIQUES de Javier Peñafiel, tandis que je voyageais dans des trains à grande vitesse français, qui m'ont emmené dans les villes de Paris, Arles, Périgueux, Béziers et Montpellier, en novembre 2008.

vendredi 27 mars 2009

Élément terre











Être aux bras de maïs,

son ventre d’argile

balance des jambes

de liège.

L’eau frappe à sa porte

de glaise

et légèrement
glisse

à l’orée de ses feuilles

de lune.

Inondée de soleil polaire

sa tête fait danser

les vents du cosmos,

Orion s’efface,

entre une constellation

inouïe :

orange, verte

et même bleue...

dans le fond de l’air

jaune.


dimanche 15 février 2009

On est là



On ne la voit pas
car elle est là,
vie devant soi,
dans ce côté de soi
où le cœur dialogue
avec les astres.

Chaque écaille
s'en souvient :
au creux du baobab
circule une rivière de sève ;
qui abreuve
les pulsations diurnes
de nos veines de lianes.

Poumons d'azur
et de vent parcourus.

Au travers des corps
élémentaires surgit
la vie
avec la certitude d'une plante,
qui plonge ses racines
jusqu'en bas des falaises
et pousse retrouver
la lumière des crêtes.

dimanche 4 janvier 2009

Soulages









C'était le feu.
Au cœur de l'infini rouge,
le crépitement blanc d'un jour incertain
pulse la rage des crânes et des mains.
Foyer dévoré de l'histoire, noire.
Zone d'ombre infinie.
Sous les gravas de guerre,
voir étouffer sa violence
dans le son brun d'une calebasse.

vendredi 22 août 2008

Noir



Couleur originelle
pas sinistre mais primitive :
qui révèle les autres
dépasse la tristesse
et éclaire l'existence
des profondeurs.

Quand la couleur
brouille la pensée
amène difficulté
et parasite les sens
Noir est l'épure :
où tout a brûlé on recommence.

Melancholia :
pensée courant
vers la Renaissance
noire
où le soleil noir
est alchimie.

lundi 18 août 2008

Africourt



Rencontre internationale du court métrage au Bénin




Première édition à Cotonou, du 25 au 29 Août 2008
Au Théâtre de Verdure du Hall des Arts et de la Culture

Pays invités : Bénin, Burkina-Faso, France, RDC, Sénégal, Togo…


@fricourt souhaite contribuer à la mise en place d’une industrie cinématographique au Bénin et renforcer les actions en cours pour améliorer la production cinématographique au Bénin en particulier et en Afrique en général. @fricourt invite les cinéastes Béninois, débutants et confirmés, à échanger avec d’autres, de plusieurs pays d’Afrique et d’Europe. Ces échanges se feront autour du court métrage, genre qui a disparu depuis longtemps des écrans des salles de cinéma, mais qui demeure un lieu d’expérience, de formation et d’expérimentation. Le court métrage représente une réelle diversité et permet à ses auteurs une réelle liberté de ton, dans le fond comme dans la forme. Le court métrage est une véritable école de cinéma, où l'on apprend à faire des films. @fricourt est donc essentiellement un creuset d’échanges et de formation.

Objectifs
- Permettre aux cinéastes débutants de se familiariser avec la profession à travers le court métrage,
- Mettre en place un creuset d’échanges de connaissances et de cultures,
- Améliorer les connaissances de base et la pratique des cinéastes débutants concernant l’écriture de scénario de court métrage, afin d’améliorer la qualité des longs métrages,
- Acquérir et maîtriser les techniques propres au court métrage,
- Rapprocher le cinéma des populations locales,
- Ramener peu à peu le public dans les salles de cinéma.

Activités
Des séances de projection publiques auront lieu chaque jour du 27 au 29 août, à partir de 18h30 au Théâtre de Verdure du Hall des Arts et de la Culture, en présence du public, des réalisateurs, des producteurs et des comédiens présents. Les entrées sont libres et gratuites. Ces séances constitueront des exemples pratiques pour les participants à l’atelier. Un travail se fait actuellement à l’endroit des élèves des collèges, lycées et autres établissements professionnels, pour les convier à ces séances de projection.

Atelier
Du 25 au 29 Août, un atelier d’écriture de scénario de court métrage dirigé par un professionnel, réunira une dizaine de participants du Bénin et des pays voisins. Les participants sont sélectionnés sur dossier et présentent un scénario de court métrage. L’atelier se fera à travers des séances de lecture et de critique, suivies des conseils et autres notions du scénariste-conseil.

Rencontre professionnelle
Des professionnels se réuniront autour du thème : « L'Avenir du Court Métrage en Afrique ». Se sera l'occasion de proposer une critique des films projetés la veille.

Les films projetés
Quelques épisodes de la série « Un Tour de Vice » du Centre AFrika Obota,
Quelques épisodes de « Taxi Brousse » de l’Agence Syfia Périscoop,
Djougou Leny, de Brice BRUN (Bénin), 15 min,
Vidomègon, de Brice BRUN (Bénin), 15 min,
L'Excision, de Brice BRUN (Bénin), 15 min,
Le Dernier de la classe, de Brice BRUN (Bénin), 15 min,
La Maudite de Elvire ADJAMONSI (Bénin), 13 min,
Déweneti de Dyana Gaye (Sénégal – France), 15 min,
Fond de teint de Marie-Louise Mendy (France), 09 min 30,
Sms de Mamadou Ndiaye (Sénégal), 17 min 30,
Au rythme des fils de Brice BRUN (Bénin), 17 min 30,
Afrique : la famille rurale en danger de M. Seydi et F. Terrenzo (Sénégal), 11 min,
Des Larmes au Sourire de Maïmouna Gueye (Sénégal), 21 min,
Oumy et Moi de Dams Sie (Sénégal), 26 min,
Deux films de la RDC,
Quatre films des étudiants de l’ISMA.

Comité d’organisation
Directrice : Elvire ADJAMONSI
Chargé de l’Organisation : Nestor MIGNISSOUN
Conseiller et Chargé de la Formation : Panou SANVI
Responsable de la Technique : Julien DEGUENON
Chargé de la Communication : Jacques LALEYE

Elvire ADJAMONSI est diplômée de l’Institut Panafricain de Développement (IPD) de Ouagadougou au Burkina-Faso en « Communication et Techniques audiovisuelles ». Cette formation a abouti à la conception et la réalisation d’un documentaire de 26 minutes sur les micros barrages du Burkina-Faso. Ce documentaire est intitulé : « De l’eau toute l’année ».
Son scénario Bidossessi a obtenu le deuxième prix du concours organisé par APROMEDIA en collaboration avec l’Alliance Française de Bangui. Puis il est retenu en 2004 par Sud Ecriture (Assilah au Maroc et Djerba en Tunisie) avec le concours de l’Organisation Internationale de la Francophonie et le Conseil National de Cinéma, et pour l’atelier « Faire un Film sur Papier », organisé par Safi Production à Ouaga en août 2007.

Contact

Elvire ADJAMONSI
02 BP 945 Kandévié - Porto-Novo
Tél. : (229) 93 07 75 91 / 95 52 00 32
elvir71@yahoo.com / elvir71@gmail.com

Image : baoka.skyrock.com

vendredi 15 août 2008

Borges versus Goya



En bus pour le retour, un panneau publicitaire.

Il est écrit : "On peut très bien tomber amoureux sans se faire mal."

A la suite, défile une pub pour Volkswagen.

Etonnant non ? L'an 2000.

Acheter une Clio, ou acheter un week-end avec Peter Sloterdijk, c'est devenu possible.

La critique de la critique accepte aussi les règles du jeu.

Boire un verre de Rioja avec Britney Spears ou avec Peter Sloterdijk, pour 55 899 euros, c'est aussi possible.

En l'an 2000, tout est possible.

Les possibilités sont multiples et démocratiques (à la portée de tous).

Mais plutôt crever, ou quoi, être insomniaque, se faire réveiller par le désir de voir Goya à 4h du mat' au Prado après avoir fait les courses (coke).

Provoquer pour exister ou quoi qu'il arrive, les règles du jeu.

Mon fils me demande : comment fait-on du feu.

Je lui réponds, je ne sais même pas passer l'aspirateur.

L'envoyer à l'école ?

Terrain flottant, racines flottantes.

Je marche dans la rue, bras croisés derrière la tête, je ferme les yeux - soleil sur la peau, membres plus dilatés et respiration - calme - c'est la première fois depuis 3 mois - Qu'est-ce qu'on est bien, seuls ensemble ! la sensation dure 15 minutes. Rendez-vous dans 6 mois."T'es expéditive, ma jolie ! Tu t'en sortiras pas..." "T'analyses les personnes en deux temps trois mouvements, en deux secondes, tu sais à qui tu as affaire..."

Pas le temps, pas le temps, en retard, toujours en retard, JE VEUX PAS ME PRESSER.

Je suis un escargot-NON-un crapaud...

Image : www.theatre-contemporain.net

vendredi 1 août 2008

Élévation – acte sensuel



Remonter le fleuve
prendre source au fond du lac ébloui
lire dans cet univers bleu
l'onde née musique de la vie qui
vague souffle danse
vérité des profondeurs
située à mi-chemin de rire sonore
entre le creux d'une joue
et le grain d'une épaule
la peau écrit à elle seule
un langage que les astres
savent faire lire
aux aveugles
pleine lumière ternie de quelques cris
coeur agrandi puis ralenti
d'un coup de pierre égarée
posée – au fond du lac.

vendredi 25 juillet 2008

Baniamu ya beto [nos tortues]










Rénatura Congo est actuellement
dans sa septième année d'action
en faveur des tortues marines
sur le littoral du Congo-Brazzaville.

Retrouvez-les sur RFI...

* Espace océan du 16 juin 2007
* Reportage Afrique du 23 juillet 2008

Les tortues marines au Congo
Longues de 170 kilomètres, les côtes congolaises accueillent cinq des huit espèces de tortues marines à différents stades de leur vie. Chaque année entre les mois de septembre et d'avril, principalement deux espèces de tortues marines sortent sur les plages du Congo pour nidifier : la tortue luth (Dermochelys coriacea) et la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea).

Des espèces menacées
Au Congo, les tortues marines sont confrontées à de nombreuses menaces :
* lors de l'incubation des oeufs,
* lors de l'émergence des tortues nouveau-nés,
* à l'âge adulte.
La pression humaine sur les tortues marines est très forte : les femelles adultes sont intensément chassées lors de leur ponte et les oeufs pondus dans le sable sont prélevés presque systématiquement.

Rénatura : conserver les tortues marines
L'objectif est de conserver les tortues marines au Congo :
* en développant des actions qui limitent la pression humaine sur les tortues et leur environnement,
* en participant à une meilleure connaissance de la biologie de ces espèces dans les eaux côtières d'Afrique de l'ouest.

Trois sites d'étude exhaustive
Actuellement, trois camps fixes saisonniers d'étude exhaustive sont installés sur le littoral. Ces trois zones sont étudiées chaque année depuis trois ans. Deux sites : Tchissaou et Bellelo sont situés au nord de Pointe-Noire, le troisième site de Djéno s'étend à environ 20 km au sud de cette capitale économique du Congo.

Fréquentation sur le reste du littoral
Afin de réaliser une estimation de la fréquentatin globale des tortues marines au Congo, quatre autres zones réparties sur le littoral congolais et choisies par tirage au sort, sont parcourus deux fois par mois. Les patrouilleurs y recensent les nids de tortues marines fraîchement pondus au cours de la nuit précédente, ainsi que les carcasses déposées depuis le dernier passage des agents.

Une action concrète et participative : relâcher les tortues prises dans les filets de pêche
Les captures accidentelles dans les filets de pêche traditionnelle le long de la côte congolaise représentent une réelle menace pour les tortues marines. En général, la libération de l'animal provoque d'importants dégâts dans le filet. La vente de la prise constitue souvent la solution choisie par le pêcheur pour couvrir les frais de réparation du matériel. Une mesure d'accompagnement a été proposée aux pêcheurs. Lors de la capture accidentelle d'une tortue toujours en vie, un agent de Renatura vient constater la libération effective de l'animal et estimer l'ampleur des dégâts. Rénatura fournit alors le matériel nécessaire à la réparation du filet, c'est-à-dire des bobines de fil ou des pièces de filet. En revanche, tout le travail de réparation reste à la charge du pêcheur. Ce programme est donc une véritable collaboration entre les pêcheurs et l'association.

Éducation dans les établissements scolaires
Un programme d'éducation dans les écoles et collèges situés le long du littoral a été initié en novembre 2005. Une fois par semaine, deux agents ayant déjà une expérience avec la sensibilisation du grand public à la conservation de l'environnement naturel interviennent dans un établissement.

Un reportage sur les activités d'éducation à l'environnement menées par les agents de Rénatura dans les écoles congolaises a été diffusé le 23 juillet 2008 sur RFI.

Nathalie Bréheret & Gaëlle Bal
Coordinatrices des activités


RÉNATURA
BP 414 - Pointe-Noire
République du Congo
Tél : 00 (242) 544 99 99
http://www.renatura.asso.eu.org/

Photo et source : Rénatura

lundi 21 juillet 2008

Inventer un non-lieu









« Les pauvres, boucs émissaires de tous les maux majeurs du pays, sont désormais sommés de se prendre en charge sous peine de se voir infliger une volée de mesures punitives et vexatoires destinées, sinon à les ramener sur le droit chemin de l’emploi précaire, du moins à minorer leurs exigences sociales. »
Loïc Wacquant, Punir les pauvres,
Agone, 2004.


La compagnie La Faille présente Faim au festival OFF d'Avignon, un spectacle mis en scène par Wilhelm Queyras et interprété par Thomas Daviaud, d’après le roman éponyme de Knut Hamsun, prix Nobel de littérature en 1920.

Musique & violon : Vincent Longelin
Décor & costumes : Theresa Meixner
Lumières : Sarah Caquant


Faim est le voyage intérieur d’un intellectuel errant dans les rues d’Oslo. Écrit à la fin du XIXe siècle, ce texte est incroyable d'actualité. Métrique mouvement d’ascension, graduelle descente de la sphère sociale aux ténèbres d’une vie sans attaches. Bruissement grinçant du souffle d’un homme de la Terre, devenu sans-logis comme l’orage arrache ses feuilles à l’arbre esseulé au cœur de la forêt.
Le violon qui l’accompagne est son dernier lien avec le cosmos, un garde-fou qui le maintient à la surface du globe comme l’écorce du chêne, et l’empêche de sombrer.
Cet homme pourtant, jamais ne s’incline devant l’adversité, mais laisse progressivement naître toute l'animosité envers ses semblables que ses forces de survie lui permettent. Cette sensation, qui progresse lentement comme un ver dans le corps d’un être sensible, est une permanente négociation de l’homme avec l’univers et son destin.
Une métaphore surnaturelle pointe : l’homme invente un non-lieu absurde où il devient un chien, avili mais vivant. Il renie sa vie affective et évoque l’insoutenable étrangeté que tout être humain rencontre sur son chemin et qui l’amène à transgresser les lois de l’humanité.
Sur la base d'un texte d'une grande modernité, Thomas Daviaud et Wilhelm Queyras entreprennent un travail considérable de recheche scénographique, mise en scène et jeu de l'acteur, qui laisse grandir avec une immense dextérité, le mouvement débordant et intègre de son flux intérieur.

du 11 au 30 juillet à 00h15
tarif unique : 5 €

Théâtre du Funambule
12 rue Plaisance
84000 Avignon
+33 (0)9 54 14 69 29

mercredi 16 juillet 2008

U'Sangu Ndji-Ndji


4e édition,
du 26 au 30 juillet 2008

Depuis trois ans, l’espace Yaro de Pointe-Noire accueille au mois de juillet des artistes de divers horizons pour célébrer les traditions, les cultures et le patrimoine musical africain au moyen d'un festival de musique : U'Sangu Ndji-Ndji.



Ce festival, lancé à l'initiative de Pierre Claver Mabiala, est un espace de rencontres et d’expression des traditions et des cultures africaines par la musique… Il a également réussi à rendre ses partenaires unanimes sur l’importance de pérenniser cette entreprise, qui permet aux artistes de se réapproprier leur identité et de la mettre en valeur.

« Notre environnement, notre musique, fondement même de notre identité » : c’est sous ce signe que se tiendra l'édition 2008.


Objectifs

* Soutenir la diversité culturelle en donnant la possibilité aux traditions, aux cultures, aux diverses identités de s’exprimer à travers la musique ;

* Encourager et soutenir l’accompagnement des concepteurs des musiques de source traditionnelle, pour une vraie professionnalisation de la démarche ;

* Renforcer la sensibilisation du jeune créateur et encadrer se démarche sur la question des droits d'auteur et les possibilités de diffusion de cette musique ;

* Renforcer la promotion et la diffusion du spectacle vivant ;

* Soutenir l’ouverture et le développement culturel de la ville de Pointe-Noire.


Principale motivation

Chaque peuple a ses traditions, sa culture, son identité. Mais au 21e siècle, où l'on parle davantage de domination par la force et où l’uniformisation permet à certains de mieux régner, la place des minorités s’avère menacée. U’SANGU NDJI-NDJI est une réaction positive à cette logique uniformisante et destructrice, un festival met en valeur les spécificités culturelles, les identités, les entités, pour un développement authentique et harmonieux des cultures : l’unité dans la diversité. À travers ce festival, chaque artiste chante, danse et s’identifie au moyen de ses traditions, de sa culture, vient s’exprimer et transmettre son message. U’SANGU NDJI-NDJI croit aux forces de cette diversité pour consolider l’unité, la paix et l’entente, dont l'Afrique centrale a besoin pour se développer.


Sites


Plusieurs sites à Pointe-Noire et dans le département du Kouilou, accueilleront les différentes activités de cette édition :

L’Espace culturel Yaro
En face du siège de l’arrondissement 4 Loandjili (théâtre de verdure de plus de 300 places). Ce site est habitué à accueillir le festival. Il est réservé aux concerts. C’est également là que se trouvent le quartier général et le Village du festival, où les animations et le marché-exposition se dérouleront.

L’Espace du Trentenaire
Au km 4, dans l’enceinte de l’Association sportive et culturelle Total & P Congo (salle de plus de 500 places). Ce site réservé aux concerts, accueillera pour la troisième fois le festival.

La Commune de Loango
Dans la cour du siège de la commune rurale de Loango, à 17 km de Pointe-Noire. Il sera érigé un podium pour donner un grand concert et diverses animations. Ce site, qui abrite pour la première fois le festival, accueillera jusqu’à 1 000 spectateurs.

Le Centre Sueco de Pointe-Noire
En plein centre ville, ce centre abrite pour la deuxième fois les concerts du festival et accueillera dans son amphithéâtre plus de 300 personnes.


Activités

Atelier de Formation sur le chant
Atelier sous-régional (Gabon, RDC, Cameroun et Congo-Brazza), animé par Queen ETEME (Cameroun), à destination des musiciens du Congo-Brazza, de la RDC, du Gabon et du Cameroun.

Conférences
« Le Royaume Loango, son Histoire et sa Musique », par Frédéric Pambou, écrivain (Congo)
« Les Traditions africaines et La Musique du Monde »
« Environnement, Musique et Développement »
« La Rencontre des festivals »

Concerts
Plusieurs concerts sont programmés dans les différents sites du festival à Pointe-Noire et à Loango. Ils seront donnés par des artistes et groupes invités du Congo-Brazza, de la RDC, du Cameroun, du Gabon, du Bénin, du Sénégal et d’Europe.

Animations
Comme d’habitude, ce seront des moments de prestations libres des groupes et artistes locaux au Village du festival à l’Espace culturel Yaro. Il sera également question de renforcer cette activité, de l’enrichir par les prestations des groupes de musiques traditionnelles (bases même de la démarche du festival) dans les différents sites du festival.

Visite touristique
Une nouvelle rencontre avec l’histoire, les traditions, la culture et le patrimoine Loango, une rencontre avec des sources d’inspiration. Une visite guidée dans l’ancienne cité du royaume Loango (un des grands ports d’embarquement des esclaves, localité ayant abrité la première église catholique du Congo, premier site d’extraction du pétrole congolais…). Loango, localité touristique avec ses plages, ses gorges, son musée…

Marché & Exposition
Espace de contacts, de rencontres, d’échanges, d’information des artistes, des professionnels et du public sur le festival et les organisations présentes. Cet abritera le Village et le Bar du festival ; le Point d’information ; des expositions diverses (sur stands), des instruments de musique, des produits artisanaux… L'espace est également réservé pour la visibilité permanente des partenaires et des sponsors.


L’édition 2008, quelques artistes attendus..
.

Queen ETEME (Cameroun)
Bercée par les chants traditionnels de sa grand-mère au village Endinding et initiée par un père mélomane aux rythmes camerounais (bikutsi, magambeu, makosa) et aux musiques étrangères (jazz, bossa nova, blues, rumba…), elle croise très vite différents genres musicaux. Elle participe à plusieurs albums d'artistes, groupes d'Afrique et d'ailleurs tels que Alpha Blondy, Ismael Lô, Bisso na bisso, Pierrette Adams, Annie-Flore Batchiellilys, Mokhtar Samba, Jack Sele, Kool Bassa, Joyce Beyal, Mama Ohandja. Avec la sortie de son album Soki, elle réalise plusieurs tournées dans le monde.
Elle anime des ateliers et des master class de voix à l'école de jazz « Les Jupo » (Le Havre), au festival Nuits Atypiques de Mighoma au Gabon, au festival Afrikakeur au Sénégal, au Centre culturel Français de Cotonou au Bénin.

Kareyce FOTSO (Cameroun)
Après avoir joué dans différents groupes camerounais dont Korongo, KAREYCE va s'imposer en solo sur la scène camerounaise et africaine. Un parcours très prometteur si l'on juge la qualité de ses prestations dans divers festivals (Cameroun, Congo-Brazza, RDC, Côte-d'Ivoire, Bénin, France et Japon). Elle tire son inspiration des traditions bamilekés et des musiques de l'ouest du Cameroun, et vient pour une deuxième fois au festival.
Dans son spectacle, des instruments comme le choue, le nde, la sanza ou la ntem... fusionnent avec la guitare pour donner un mélange étonnant à ce folklore : des sons venus du blues, du jazz ou de la soul...

DJONIMBO (RDC)
Djonimbo, le Guitariste perdu, a d'abord chanté seul avec sa guitare, puis pour répondre aux besoins de certaines de ses chansons écrites pour orchestration, il crée le groupe DJONIMBO en 2003. Avec un répertoire large et cohérent, il exerce sa musique de manière rigoureuse dans un contexte très difficile. Présent sur des événements au Congo-Kinshasa et en Afrique, il ne cesse de travailler avec plusieurs groupes et musiciens du monde entier. Il vient pour la deuxième fois à U'SANGU NDJI-NDJI et propose un nouvel album, Lifutambaa.
En dialecte Tiene, « Lifutambaa » signifie cendre, résidu de la combustion de bois. L'artiste symbolise le bois de chauffe qui brûle sous le feu de l'inspiration jusqu'à la cendre. Djonimbo utilise des dissonances et des pincés de guitare tantôt doux, tantôt furieux.

Image & Sources : Pierre Claver Mabiala, Espace Yaro
00 (242) 678 80 16 - cmabial@hotmail.com

dimanche 6 juillet 2008

Appel pour le livre






Face aux menaces contre le prix unique du livre, professionnels et lecteurs se mobilisent...


Des amendements proposés par des députés de la majorité parlementaire lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie ont ouvert un large débat sur la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang ».


Les professionnels du livre, auteurs, traducteurs, éditeurs et libraires, rejoints par les bibliothécaires et de nombreux acteurs du livre en régions, ont expliqué d’une même voix que ces amendements remettaient en cause la loi de 1981 et menaçaient les équilibres du marché du livre, ainsi que la diversité de la création et de l’édition françaises. Leur mobilisation a été relayée par des membres du gouvernement. Madame Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a souligné combien cette loi restait un outil indispensable pour protéger la littérature. Madame Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, quant à elle, a indiqué ne vouloir changer ni la politique du livre ni le système législatif actuel.

Les acteurs du livre sont néanmoins inquiets car beaucoup d’idées fausses sont colportées sur la loi par quelques multinationales du commerce culturel. Le lobbying qu’elles exercent auprès des parlementaires est à l’origine de ces amendements. Il vise à déréguler le marché du livre afin d’imposer un modèle commercial basé sur une volonté d’hégémonie et une stratégie purement financière. Derrière leurs arguments démagogiques mêlant modernité, défense du pouvoir d’achat et même écologie se cache un combat contre la création, la diversité, la concurrence et l’accès du plus grand nombre au livre.

Ce modèle culturel français, nous y sommes pour notre part indéfectiblement attachés. Ses vertus sont multiples. Avec plus de 2500 points de vente, le réseau des librairies est dans notre pays l’un des plus denses au monde. Il permet, aux côtés du réseau de la lecture publique, un accès au livre aisé et constitue un atout important pour l’aménagement du territoire et l’animation culturelle et commerciale des centres-villes. Ce réseau de librairies indépendantes cohabite avec d’autres circuits de diffusion du livre, les grandes surfaces culturelles, la grande distribution, les clubs de livres ou Internet. Depuis de nombreuses années et à l’inverse d’autres secteurs culturels comme le disque ou la vidéo, le marché du livre se développe sans qu’aucun circuit n’écrase ses concurrents. Chaque circuit joue son rôle et le consommateur bénéficie d’un véritable choix.

Pour la création et l’édition, cette densité et cette variété des circuits de vente du livre offrent à chaque auteur et à chaque livre le maximum de chances d’atteindre son public, qu’il s’agisse d’un premier roman, d’un ouvrage de recherche, d’un livre pour enfant, d’une bande dessinée, d’une œuvre traduite, du dernier roman d’un auteur connu, d’un livre pratique ou d’un ouvrage scolaire. Tous les livres pour tous les publics, voilà notre modèle.

Ce modèle, c’est la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre qui en est le pivot et le garant. En permettant d’infléchir les règles du marché afin de tenir compte de la nature culturelle et économique particulière du livre, elle passe aujourd’hui pour l’une des premières véritables lois de développement durable. Elle confie à l’éditeur la fixation du prix des livres qu’il publie. Les livres se vendent au même prix quel que soit le lieu d’achat, dans une librairie, une grande surface ou sur Internet, durant au moins deux ans. Ce système évite une guerre des prix sur les best-sellers qui ne permettrait plus aux libraires de présenter une offre de titres diversifiée ni aux éditeurs de prendre des risques sur des ouvrages de recherche et de création qui ont besoin de temps et de visibilité dans les librairies pour trouver leur public.

De surcroît, le prix unique fait baisser les prix. Contrairement aux idées reçues, les chiffres de l’INSEE montrent en effet que depuis une dizaine d’années les prix des livres ont évolué deux fois moins vite que l’inflation.

En favorisant la richesse, la diversité et le renouvellement de la création et de l’édition, en lieu et place d’une standardisation si courante dans de multiples secteurs aujourd’hui, en permettant une variété et une densité de points de vente du livre particulièrement remarquables, en privilégiant une véritable concurrence au détriment de la « loi de la jungle » et en maintenant des prix beaucoup plus accessibles que dans la majorité des autres pays développés, le prix unique du livre est une chance pour le consommateur, pour le lecteur et pour notre culture.

La loi du 10 août 1981 n’est ni obsolète ni corporatiste. Si elle mérite un débat, c’est pour la rendre plus vivante et plus forte encore.

Téléchargez l’appel pour le livre
Téléchargez le dossier complet de l’appel pour le livre

Signer l’appel

Sources : http://pourlelivre.wordpress.com/
Image : Mango jeunesse (c)